« ; — » : histoire éditoriale et stylistique d’un alliage de ponctèmes dans Bouvard et Pécuchet de Gustave Flaubert

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histoire éditoriale et stylistique d’un alliage de ponctèmes dans Bouvard et Pécuchet de Gustave Flaubert

 

Discrètement, depuis les trente dernières années, les études sur la ponctuation se sont multipliées et ont su agrémenter les différentes trajectoires de la critique littéraire contemporaine. Les travaux de vulgarisation d’Anne Herschberg-Pierrot en stylistique et de Nina Catach en linguistique[1] ont permis de populariser une nouvelle stylistique de la ponctuation par-delà le modèle auteuriste ou structuraliste du texte. Depuis, d’excellents travaux ont été publiés par Jacques Dürrenmatt et Isabelle Serça[2] qui insistent sur le caractère historique et la valeur énonciative des signes de ponctuation. Non plus une stylistique du texte achevé comme on en trouve un exemple dans l’étude de Léo Spitzer consacrée aux parenthèses proustiennes[3], la nouvelle stylistique de la ponctuation se fait aujourd’hui à partir d’états de texte, prenant ainsi en compte le rôle décisif de l’édition dans l’établissement d’un texte et de sa ponctuation. Sans délaisser pour autant ses racines linguistiques, cette nouvelle approche donne lieu à des questions de génétique textuelle et d’histoire éditoriale qui nous permettent d’approfondir notre compréhension de la genèse des textes littéraires et d’en finir avec les notions d’intentionnalité de l’auteur ou de « système » du texte. Cet article se propose d’analyser un alliage particulier de ponctèmes, soit le point-virgule suivi d’un tiret, dans Bouvard et Pécuchet (1881) de Gustave Flaubert. Pour ce faire, nous amorcerons cet article par une courte présentation de l’histoire éditoriale du dernier roman inachevé de Flaubert avant de proposer une interprétation stylistique des différents usages que fait Flaubert de ces signes de ponctuation.

Institutionnalisé par le système scolaire, l’œuvre de Flaubert est aujourd’hui considérée comme un modèle du bien écrire, pour ne pas dire du bon usage de la langue française. Certes, la critique admet un nombre limité d’innovations stylistiques qui permettent à l’auteur de Madame Bovary d’échapper au sort de l’écrivain à dictée, mais, reprises à outrance par le roman moderne, ces innovations ne nous frappent plus comme des écarts. Déjà en 1920, lors de la fameuse querelle grammaticale sur les fautes de langue dans les romans de Flaubert, des écrivains comme Marcel Proust identifient et défendent avec brio différents stylèmes flaubertiens tout en leur assignant une certaine fadeur. Comme l’écrit André Suarès lors de cette même querelle : « On admire presque toujours Flaubert : mais souvent il nous lasse et nous pèse[4]. »

Cela dit, le roman flaubertien n’est pas sans ses bizarreries et l’une d’entre elles nous semble être la ponctuation non normée des romans. Cette étude s’intéressera à l’un des particularismes de la ponctuation flaubertienne, soit l’usage du point-virgule suivi d’un tiret en fin de phrase. Nous nous pencherons particulièrement sur Bouvard et Pécuchet, dernier roman posthume et inachevé de Flaubert, où cet alliage de signes de ponctuation explose en fréquence (218 occurrences dans l’édition de Claudine Gothot-Mersch du roman comparativement à seulement 19 dans Madame Bovary). Cet écart dans la ponctuation est passé inaperçu pendant plus d’un demi-siècle. Même d’éminents critiques, tel Albert Thibaudet qui dans son Gustave Flaubert (1935) analyse si justement l’usage de la virgule chez le romancier, n’ont pas jugé bon de le commenter. Nous tenterons d’élucider en un premier temps les raisons d’un tel silence critique avant de nous pencher sur la valeur stylistique de ces signes de ponctuation.

Histoire éditoriale de la ponctuation flaubertienne

Plus que n’importe quel autre roman de Flaubert, Bouvard et Pécuchet est un texte qui varie selon ses éditeurs. Paru dans la Nouvelle Revue à la fin de l’année 1880, quelques mois après la mort de l’auteur, Bouvard et Pécuchet a été publié en volume pour la première fois chez Lemerre en 1881. L’édition originale du roman s’arrête abruptement au milieu du neuvième chapitre, où les commis s’apprêtent à abandonner leurs lectures pour discourir dans l’auberge du village et exposer aux notables du lieu l’ensemble des savoirs qu’ils ont acquis au fil du récit. Plutôt que de clore le roman sur cette fin abrupte, l’éditeur a décidé d’insérer quelques pages à la suite de la notice de l’interruption du manuscrit qui présentent un extrait du plan prévu pour la fin du roman, aujourd’hui partiellement considérées comme une supercherie de Caroline Commanville, la nièce de Flaubert et exécutrice de son testament.

Lors des nombreuses rééditions du texte, les éditeurs se penchent surtout sur la partie inachevée du roman posthume et notamment sur le mythique second volume de Bouvard et Pécuchet. Ce second volume ne serait pas, selon les manuscrits de l’auteur, un texte continu, contrairement aux neuf premiers chapitres du roman. Il s’agirait plutôt d’un long bêtisier dont le vestige le plus connu est Le dictionnaire des idées reçues. Flaubert comptait faire passer ce second volume pour la copie des deux personnages qui, déçus de leurs nombreux échecs, se seraient mis à recopier les bêtises qu’ils ont pu lire dans les livres cités tout au long du roman. Chaque réédition du texte offre ses variations sur ce second volume et se dote d’un paratexte de plus en plus vaste pour expliquer le projet de l’auteur. Les neuf premiers chapitres dits achevés, quant à eux, ne changeront guère d’une édition à l’autre. Même l’édition de la Bibliothèque de la Pléiade de 1936, dirigée par deux grands flaubertiens en Albert Thibaudet et René Dumesnil, ne conteste aucunement le texte de l’édition Lemerre. Ils écrivent laconiquement en fin de volume : 

Cette œuvre interrompue par la mort et mise en lumière par la nièce de l’écrivain […] ne comporte naturellement pas de variantes. Nous n’avons pas cru, d’autre part, qu’il fût nécessaire d’y mettre des notes. Le texte de Flaubert ne demande aucune autre explication que celles de quelques termes scientifiques et techniques, pour lesquels nous n’aurions pu que répéter les dictionnaires[5].

Dans l’ensemble, les éditeurs ne font que reprendre le texte établi par l’édition Lemerre de 1881. Il faut attendre jusqu’en 1964 pour que le texte du roman posthume de Flaubert soit revu intégralement par le chercheur italien Alberto Cento, qui met en lumière plusieurs divergences entre les manuscrits de l’auteur et le texte publié à sa mort. L’une des divergences que l’édition Nizet de 1964 corrige, sans toutefois la commenter, se trouve dans la ponctuation.

Jusqu’à l’édition d’Alberto Cento, les différentes occurrences du point-virgule suivi d’un tiret étaient remplacées par des points, par des virgules ou simplement par des tirets. Cette rectification massive de toute ponctuation non normée par les éditeurs éclaircit pourquoi la ponctuation flaubertienne est si peu commentée par les premières générations de lecteurs de Flaubert. Notons que cette simplification des signes de ponctuation par l’éditeur n’est pas non plus très étonnante. Comme l’explique Nina Catach, au cours du xixe siècle et au début du xxe, la ponctuation, sauf pour de rares exceptions, relève de l’éditeur qui se fie dans son établissement du texte à un idéal de clarté promu par les manuels de typographie[6]. Même dans le cas d’une édition critique plus prestigieuse, comme celle de la Pléiade, la question de la ponctuation n’est pas soulevée.

L’édition d’Alberto Cento est donc un événement dans l’histoire éditoriale de Bouvard et Pécuchet. Depuis sa parution, les éditeurs optent pour une ponctuation plus fidèle à celle des manuscrits. Cela ne veut pas dire toutefois que les nouvelles éditions de Bouvard et Pécuchet aient une ponctuation complètement fixe. Concernant le point-virgule suivi d’un tiret, le simple excès de cet alliage de ponctèmes dans les manuscrits a laissé les éditeurs contemporains dubitatifs. Doit-on rester fidèle à cette ponctuation d’auteur ou bien l’adapter discrètement afin d’assurer la cohérence et la cohésion du texte ? Il est pertinent de consulter les éditions plus récentes de Bouvard et Pécuchet, publiées par trois spécialistes de Flaubert, avant de trancher sur la question.

Dans l’édition Folio de 1979, Claudine Gothot-Mersch opte pour une position ultra-sourcière. L’éditrice est bien consciente des irrégularités de la ponctuation de Flaubert, mais pose qu’outre pour les cas où celle-ci mine la cohérence textuelle, il vaut mieux rester fidèle aux manuscrits de l’auteur. Elle écrit :

La ponctuation de Flaubert n’a rien de classique. Ses deux caractéristiques principales nous paraissent être, d’abord, qu’elle fait un usage anormalement fréquent du tiret, ensuite et surtout qu’elle est essentiellement rythmique. […] Nous avons respecté dans toute la mesure du possible cette disposition qui met l’accent sur l’aspect plastique du texte, sur la modulation[7].

Suivant à la lettre les manuscrits de l’auteur, l’édition Gothot-Mersch établit un texte dans lequel le tiret est omniprésent. Quant au point-virgule, il perd une bonne partie de son autonomie puisqu’environ 35 % de ceux-ci sont suivis par un tiret dans cette version du texte.

Stéphanie Dord-Crouslé soutient quant à elle, dans son édition parue en 2008 chez GF, une position plus cibliste que Claudine Gothot-Mersch. À son tour, la critique considère que la ponctuation flaubertienne est particulière et qu’elle suit un usage plus rythmique que syntaxique. Elle écrit : « la ponctuation de Flaubert est singulière. Tout en veillant à respecter les particularismes qui ont une influence sur la diction et le rythme des phrases, on a corrigé et homogénéisé les traits qui pouvaient gêner le lecteur non spécialiste[8]. » Ainsi, Stéphanie Dord-Crouslé favorise une lisibilité aux dépends d’une fidélité absolue envers les manuscrits de l’auteur. Textuellement, cela s’exprime par une diminution du nombre de tirets.

Les commentaires les plus poussés sur la question de la ponctuation dans Bouvard sont ceux d’Anne Herschberg-Pierrot, coéditrice de la nouvelle édition de la Bibliothèque de la Pléiade parue en 2021. Pour la coéditrice, la ponctuation de Bouvard et Pécuchet est de nature suspensive, c’est-à-dire qu’elle serait « en attente d’une décision pour l’édition[9] ». Encore plus que le point-virgule suivi d’un tiret, le point suivi d’une minuscule serait pour la critique le signe le plus ostentatoire de l’inachèvement de la ponctuation de Bouvard. Anne Herschberg-Pierrot soutient aussi que, dans l’absence d’un manuscrit de copiste, il ne saurait y avoir une édition décisive du roman. Contrairement à Stéphanie Dord-Crouslé qui invite à homogénéiser la ponctuation du roman ou à Claudine Gothot-Mersch qui appelle à une fidélité face au manuscrit, Anne Herschberg-Pierrot soutient que « dans tous les cas, il ne peut s’agir de l’application d’une règle uniforme, mais d’une interprétation contextuelle en discours des signes rythmiques de la prose[10]. » L’éditeur doit donc se faire exégète de l’œuvre. Il doit rendre raison de la ponctuation personnelle à l’auteur qui renvoie le plus souvent à sa diction et non à des contraintes syntaxiques, et d’autre part tenter de transmettre cette diction, c’est-à-dire le rythme du texte[11], à un public non spécialiste que de trop nombreux écarts dans la ponctuation pourraient gêner. Renchérissant sur l’important travail d’Anne Herschberg-Pierrot, nous tenterons de dégager la signifiance du point-virgule suivi d’un tiret en fin de phrase afin de voir ce que ces signes de ponctuation nous disent du phrasé de Flaubert.

Valeur grammaticale et valeur rythmique du « ; — » 

Avant d’analyser certains exemples de nos ponctèmes dans Bouvard, il faut se pencher sur le sens respectif du point-virgule et du tiret chez Flaubert. Selon la Grammaire méthodique du français (GMF), le point-virgule est un signe démarcatif qui « marque une pause intermédiaire entre le point et la virgule[12] ». Le point-virgule peut avoir un usage intraphrastique (lorsqu’il sert à remplacer une virgule dans une énumération) ou interphrastique[13] (lorsqu’il sépare deux propositions indépendantes, particulièrement dans les périodes classiques[14]). Ces deux usages sont attestés chez Flaubert comme dans la plupart des romans du xixe siècle.

Il nous semble, pour faire simple, que l’on peut distinguer deux usages dominants du point-virgule dans les romans de Flaubert : un usage narratif visant à « relier des propositions en asyndète, qui forment les unités d’un récit de style coupé[15] » et un usage descriptif servant à isoler et mettre en valeur un détail. Plus encore que dans Bouvard et Pécuchet, ces deux usages du point-virgule traversent L’Éducation sentimentale :

Hussonnet manqua le rendez-vous ; il en manqua trois autres. Un samedi vers quatre heures, il apparut. Mais, profitant de la voiture, il s’arrêta d’abord au Théâtre-Français pour avoir un coupon de loge ; il se fit descendre chez un tailleur, chez une couturière ; il écrivait des billets chez les concierges. Enfin ils arrivèrent Boulevard Montmartre[16].

Cinq ou six personnes, debout, emplissaient l’appartement étroit, qu’éclairait une seule fenêtre donnant sur la cour ; un canapé en damas de laine brune occupait au fond l’intérieur d’une alcôve, entre deux portières d’étoffe semblable. Sur la cheminée couverte de paperasses, il y avait une Vénus en bronze ; deux candélabres, garnis de bougies roses, la flanquaient parallèlement[17].

Le premier exemple relève de l’usage narratif interphrastique du point-virgule. L’extrait en question est prototypique de l’asyndète qui participe chez Flaubert à une esthétique de la déliaison. Le point-virgule renchérit sur l’absence relative de connecteur logique pour donner un aspect délié, voire illogique, au texte. Grâce au point-virgule, Flaubert fait de sa phrase un récit en y insérant une série de micro-unités dans un rythme binaire ou ternaire. En plus de la rapidité qu’exprime ici l’asyndète, cette organisation phrastique permet au texte de faire écho formellement à l’incapacité du héros de faire sens des événements du récit ou, plus généralement, de l’Histoire.

Dans le second exemple, on retrouve un usage descriptif du point-virgule comme le dénote le passage du passé simple à l’imparfait. Le point-virgule sert ici à saccader l’extrait, ralentissant la lecture là où il l’accélérait quelques lignes plus tôt. Flaubert aurait pu opter pour une simple énumération dans sa description de l’appartement d’Arnoux, mais il utilise plutôt le point-virgule pour séparer les divers éléments de sa description afin de faire le récit du regard des deux amis entrant dans ce nouveau lieu. Si l’énumération, degré zéro du descriptif, dit l’indifférence des parties au profit du tout, l’ordonnancement que crée Flaubert grâce à son usage du point-virgule permet d’insister sur certains détails : ici, l’érotisme désordonné que projette Frédéric sur le mobilier de Mme Arnoux.

Le tiret quant à lui marque également une pause prosodique, mais plutôt qu’un signe démarcatif, la GMF considère le tiret comme un signe à valeur énonciative. Initialement réservé à l’usage du dialogue où il sert à marquer le changement d’interlocuteurs, le tiret trouve un nouvel usage au xixe siècle en se substituant à la parenthèse afin d’introduire une réflexion incidente ou un commentaire. Comme le note la GMF, « contrairement aux parenthèses, obligatoirement doublées, le tiret n’est pas répété si la fin du groupe qu’il isole coïncide avec la fin de la phrase[18]. » C’est cet usage du tiret en fin de phrase qui est le plus courant dans les romans de Flaubert et que l’on retrouve dans cet autre extrait de L’Éducation sentimentale : « Il répondait par des sourires amers ; car, au lieu d’exprimer le véritable motif de son chagrin, il en feignait un autre, sublime, faisait un peu l’Antony, le maudit, — langage, du reste, qui ne dénaturait pas complètement sa pensée[19]. »

Le tiret n’a pas ici le rôle de « virgule renforcée[20] » que lui assigne la GMF dans cet usage en fin de phrase. Plutôt, le tiret marque un détachement énonciatif dont l’intérêt vient du fait que le lecteur ne sait pas au premier abord à qui assigner le commentaire. Il est difficile dans l’extrait de trancher entre un commentaire du narrateur et une réflexion de Frédéric, bien que le penchant du personnage pour les jérémiades romantiques et la locution adverbiale « du reste », qui se lit comme un embrayeur de disgression accompagnant souvent les pensées de Frédéric dans le roman, font pencher la balance en sa faveur. Le tiret sert ainsi de marqueur du style indirect libre, dont Flaubert a popularisé l’usage.

Remarquons que dans ce dernier exemple le tiret est précédé d’une virgule. Comme l’indique le Grand dictionnaire universel du xixe siècle, cet usage n’est pas rare à l’époque : « on a, depuis trente à quarante ans, étendu l’emploi du tiret, et on en a fait un véritable abus. […] On est venu à mettre le tiret là où la virgule suffisait, tout en laissant subsister la virgule[21]. » Lorsque le tiret se dote d’une valeur énonciative, toutefois, il ne vient en rien doubler la virgule. Cette dernière permet quant à elle de prolonger la pause prosodique et octroie au tiret une fonction rythmique qui revient « à renforcer l’attaque[22] » consonantique de l’apodose. L’alliage de ponctèmes permet donc d’insérer un contretemps dans la phrase où deux syllabes qui se suivent sont accentuées. La virgule indique ainsi la pause prosodique tandis que le tiret annonce la relance qui amorce la chute de la phrase, si précieuse pour l’auteur[23].

Qu’en est-il du point-virgule suivi d’un tiret ? Serait-il équivalent à la collocation virgule tiret ? Un exemple particulièrement intéressant, cette fois-ci tiré d’Un cœur simple, suggère que l’usage est bien différent. Dans la phrase suivante, Flaubert réunit une virgule tiret et un point-virgule tiret : « Cette faiblesse agaçait Mme Aubain, qui d’ailleurs n’aimait pas les familiarités du neveu, — car il tutoyait son fils ; — et, comme Virginie toussait et que la saison n’était plus bonne, elle revint à Pont-L’Évêque[24]. » Sabine Pétillon et André Petitjean, dans leur article consacré aux tirets dans Un cœur simple, considèrent cette configuration phrastique comme « étant à deux tirets finaux[25] ». Les deux tirets n’ont pas le rôle de parenthèse, mais bien le rôle de tiret de fin de phrase. Cependant, si le premier tiret semble bien indiquer une rupture énonciative, le second tiret précédé d’un point-virgule et suivi d’un « et de relance » introduit quant à lui « une forme de discours narrativisé[26] », d’après les deux critiques. La virgule tiret et le point-virgule tiret ne semblent donc pas tout à fait disposer du même rôle sémantique.

En effet, le second tiret perd sa valeur énonciative dans cet exemple pour ne garder que son rôle prosodique de relance. Le point-virgule tiret se rapproche plus du rôle de séparateur qu’avait déjà identifié le Larousse[27] que d’un marqueur du style indirect libre. Toutefois, cette perte de la plus-value énonciative du tiret semble moins due au point-virgule qui le précède qu’au connecteur « et » qui suit l’alliage de ponctèmes. La conjonction de coordination ne joue pas ici son rôle traditionnel de joncteur, elle prend d’avantage les apparences d’un « et de mouvement » ou « et de relance ». Comme Proust l’écrit, le « et » de Flaubert agit comme une mesure rythmique : « C’est comme l’indication qu’une autre partie du tableau commence, que la vague refluante, de nouveau, va se reformer […] En un mot, chez Flaubert, “et” commence toujours une phrase secondaire et ne termine presque jamais une énumération[28]. »

Suivi du « et de relance », le point-virgule tiret perd ses fonctions syntaxiques pour plutôt répondre à des impératifs rythmiques. Dans le dernier exemple, il s’agit du rythme ternaire et plus spécifiquement du « rythme anapestique (phrase courte, phrase courte, phrase longue)[29] » qui rend les phrases de Flaubert si reconnaissables. Le « ; — et » s’insère par ailleurs plus largement dans ce que Charles Bruneau a baptisé « phrase à queue » en référence à la phrase de Zola où « les derniers éléments, mal rattachés à ce qui précède, donnent l’impression d’être ajoutés après coup, ornement inutile[30]. » Cet effet de clausule proche de l’hyperbate nous intéressera pour le reste de cet article puisqu’il est omniprésent dans Bouvard et Pécuchet. En effet, si 35 % des points-virgules sont suivis d’un tiret dans Bouvard, 90 % de ces mêmes points-virgules tirets, toujours selon l’édition Gothot-Mersch, sont suivis du connecteur « et ».

Le « ; — » dans Bouvard et Pécuchet

Sans être exhaustif, il nous reste à voir quelques exemples du point-virgule tiret dans Bouvard et Pécuchet afin de mieux comprendre ce dont cette ponctuation rythmique fut le signe pour l’auteur. Commençons par trois exemples de nos ponctèmes qui ne sont pas suivis du « et de relance » :

Pécuchet prit le pas gymnastique ; et il disait à Bouvard courant du même train à son côté : — Une, deux ; une, deux ; — en mesure ! comme les chasseurs de Vincennes[31].

Alors Bouvard et Pécuchet se plongèrent dans l’archéologie celtique. D’après cette science, les anciens Gaulois, nos aïeux, adoraient Kirk et Kron, Taranis, Ésus, Nétalemnia, le Ciel et la Terre, le Vent, les Eaux, — et, par-dessus tout, le grand Teutatès, qui est le Saturne des Païens. — Car Saturne, quand il régnait en Phénicie épousa une nymphe nommée Anobret, dont il eut un enfant appelé Jeüd — et Anobret a les traits de Sara, Jeüd fut sacrifié (ou près de l’être) comme Isaac ; — donc, Saturne est Abraham, d’où il faut conclure que la religion des Gaulois avait les mêmes principes que celle des Juifs. (Folio 86 et 87)

L’application trop exacte du Vrai nuit à la Beauté, et la préoccupation de la Beauté empêche le Vrai. Cependant, sans idéal pas de Vrai ; — c’est pourquoi les types sont d’une réalité plus continue que les portraits. L’Art, d’ailleurs, ne traite que la vraisemblance — mais la vraisemblance dépend de qui l’observe, est une chose relative, passagère.

Ils se perdaient ainsi dans les raisonnements. Bouvard, de moins en moins, croyait à l’esthétique. (Folio 115)

Dans le premier exemple, l’alliage de signes de ponctuation ne constitue pas un écart. Le point-virgule sert à segmenter la phrase, tandis que le tiret indique la prise de parole de Pécuchet qui se fait par discours direct, malgré l’absence de saut à la ligne. Les deux exemples suivants sont plus intéressants en ce qu’ils permettent de rapprocher le point-virgule tiret de nos commentaires sur la virgule suivie d’un tiret. On peut considérer ces passages comme une forme de discours direct libre, à l’instar de Philippe Dufour, qui parle de phénomènes de « dialogues d’arrière-plan[32] » pour qualifier de tels passages du roman. Ce type de séquence, où le narrateur résume les lectures des deux commis en insérant à partir de tirets les commentaires insipides des personnages concernés, est fréquente dans Bouvard et Pécuchet. Le point-virgule ne sert dans le cas échéant qu’à segmenter la phrase en insérant une pause rythmique à la manière de la virgule tiret. La seule différence entre la virgule suivie d’un tiret et le point-virgule suivi d’un tiret serait la longueur de la pause prosodique. Ainsi, sans « et de relance », le point-virgule tiret garde sa fonction énonciative tout en servant un impératif rythmique.

            Le point-virgule tiret, lorsqu’il est suivi du connecteur « et », perd la valeur énonciative du tiret pour devenir une ponctuation purement rythmique. L’alliage « ; — et » sert systématiquement à marquer une pause et à annoncer la chute de la phrase. Pour certains, cette disposition de la phrase flaubertienne vers sa chute peut être lassante. Pensons à la critique viscérale de Julien Gracq dans En lisant en écrivant :

Comme elle est morne dans sa monotonie, la chute de phrase de Flaubert ! Quelquefois, il est vrai, il part d’un mouvement assez vif, mais c’est comme un ruisseau allègre qui court immanquablement se jeter dans une mare. […] Toute son écriture est une lutte plus d’une fois malheureuse pour faire vivre et relancer la page ou le paragraphe par-delà cette fatalité de retombement[33].

Il est possible de se demander si Julien Gracq pense à ce « ; — et » lorsqu’il reproche à Flaubert « sa syntaxe pesamment retombante […], qui plombe sa phrase et l’empêche de s’ailer jamais[34]. » S’il est vrai que la forme des chutes flaubertiennes peut se montrer redondante, l’usage que fait Flaubert du « ; — et » se montre étonnamment polyvalent. Nous verrons, pour conclure cet article, trois différents motifs qui permettent à Flaubert d’actualiser cette forme-sens dans Bouvard et Pécuchet.

Si, comme nous l’avons vu, le tiret peut se doter d’une valeur énonciative, le point-virgule suivi d’un tiret permet à Flaubert de représenter non pas la voix de ses personnages, mais leurs regards. Voici trois exemples de cet usage :

Tout à coup un ivrogne traversa en zigzag le trottoir  ; — et à propos des ouvriers, ils entamèrent une conversation politique. (Folio 2)

Mais le timbre de la poste, le nom de l’étude en caractères d’imprimerie, la signature du notaire, tout prouvait l’authenticité de la nouvelle ; — et ils se regardèrent avec un tremblement du coin de la bouche et une larme qui roulait dans leurs yeux fixes. (Folio 9)

Ils arrivèrent en haut, près de la Butte ; — et, d’un seul coup d’œil, le désastre leur apparut. (Folio 29)

Le deuxième et le troisième exemple disent ce que l’analepse exprime en sourdine. Avec recul, le lecteur comble la pause au sein de la phrase du regard des personnages. C’est un usage du point-virgule tiret qui n’est pas unique à Bouvard et Pécuchet et qu’on retrouve par exemple dans cette phrase de L’Éducation sentimentale : « Des ombres circulaient par-derrière, une surtout ; c’était la sienne ; — et il se dérangeait de très loin pour regarder ces fenêtres et contempler cette ombre[35]. » Le premier exemple cependant est plus intéressant en ce qu’il exprime en sourdine — mais comment efficacement ! — le regard méprisant des commis.

            Dans le premier exemple, l’acmé de la phrase se situe dans le silence du point-virgule tiret qui annonce sa chute. Ici encore, les signes de ponctuation renvoient au regard des personnages. Nous pouvons même considérer le tiret comme la représentation graphique du regard venant s’opposer au morphème « zigzag », ce qui est regardé. Plutôt que d’exprimer ce regard par le verbe ou un complément dans la chute de phrase, Flaubert le sous-entend dans l’apodose en y associant un mépris de classe. La conjonction « et » n’a plus comme seul rôle la relance rythmique, elle garde sa fonction syntaxique de joncteur dans l’association qu’elle connote entre l’ouvrier et l’ivrogne. L’ellipse du point-virgule tiret permet donc à Flaubert d’exprimer le malthusianisme de son temps sans le nommer. La ponctuation fait figure de litote pour exprimer un mépris de classe qui hante le discours social et qui parsème, par exemple, le roman zolien contemporain de Bouvard et Pécuchet. Ainsi, sans avoir recours au style indirect libre, Flaubert arrive à exprimer une ironie dans son usage de ponctèmes, dont l’écart invite le lecteur à lire entre les lignes.

            Dans d’autres cas, le regard qu’incarne le point-virgule tiret n’est pas celui d’un personnage en particulier, mais se lit plutôt comme une invitation à la contemplation dans les rares « paysages parenthèses » du roman. Dans ces passages, la phrase entretient un rapport homologique au récit qui décide de prendre une pause contemplative avant de reprendre l’action. Citons-en deux exemples :

Il y avait entre ces clartés, de grands espaces vides ; — et le firmament semblait une mer d’azur, avec des archipels et des îlots. (Folio 61)

Les pâles rayons d’un soleil d’octobre s’allongeaient derrière les bois ; un vent humide soufflait ; — et en marchant sur les feuilles mortes, ils respiraient comme délivrés. (Folio 134)

Dans ces petites pauses, le point-virgule tiret au centre de la phrase invite le lecteur à communier avec les personnages dans la contemplation d’un ciel étoilé ou d’un après-midi d’octobre. Ce sont ces petites parenthèses qui permettent de créer un lien affectif entre le lecteur et les deux commis certes caricaturaux, mais non moins sensibles. Si ces paysages parenthèses sont le fruit « d’une conscience sensible, anonyme, “engorgé par son objet”, comme dit Merleau-Ponty[36] », Philippe Dufour note que ce « regard qui parcourt l’histoire n’est pas le regard d’un personnage de cette histoire, suivant l’habituelle formule du réalisme subjectif cher à Flaubert. C’est un regard étranger, sans origine définie[37]. » La pause qu’incarne le « ; — et » ne se lit plus uniquement comme le signe graphique de la vision des personnages, mais bien comme l’incarnation d’un regard autre qui rallie la perspective du narrateur, des personnages et du lecteur.

On peut d’ailleurs rapprocher ces chutes de phrase contemplatives des commentaires de Gisèle Séginger sur la conjonction « et » dans Salammbô :

Le fameux et de Flaubert — souvent mis en valeur dans Salammbô par un point virgule [sic] qui le précède — isole et délie plus qu’il n’articule. Toute la puissance de la perception du sensible semble tout à coup se condenser dans le détail […] changeant brusquement d’échelle, la vision s’abîme parfois d’un coup dans l’infiniment petit, dans le grain du sensible[38].

Pour Gisèle Séginger, la chute de phrase flaubertienne, lorsqu’elle s’aile vers la nuit étoilée ou lorsqu’elle se cloue sur une petite sensation, révèle le spinozisme de l’auteur et permet un petit moment de félicité dans le roman flaubertien si souvent miné par l’échec et la désillusion de ses personnages. 

Le point-virgule tiret peut donc servir d’ellipse afin d’exprimer silencieusement le regard des personnages ou d’inviter le regard contemplatif du lecteur, mais dans Bouvard et Pécuchet, roman qui a la prétention d’être humoristique, la chute de phrase s’insère également dans un rythme comique. Dans le cas échéant, le point-virgule tiret crée une tension qui permet un effet de décharge dans la chute de la phrase, comme le soulignent les trois exemples suivants :

Un chien entra, moitié dogue moitié braque, le poil jaune, galeux, la langue pendante.

Que faire ? pas de sonnettes ! & leur domestique était sourde. Ils grelottaient mais n’osaient bouger, dans la peur d’être mordus. Pécuchet crut habile de lancer des menaces, en roulant des yeux. Alors le chien aboya ; — et il sautait autour de la balance, où Pécuchet se cramponnant aux cordes, et pliant les genoux, tâchait de s’élever le plus haut possible. (Folio 53)

Ensuite, ils recherchèrent des fossés. Quand ils en avaient trouvé un à leur convenance, ils appuyaient au milieu une longue perche, s’élançaient du pied gauche, atteignaient l’autre bord, puis recommençaient. La campagne étant plate, on les apercevait au loin ; — et les villageois se demandaient quelles étaient ces deux choses extraordinaires, bondissant à l’horizon. (Folio 149)

Les pommiers étaient en fleurs, et l’herbe dans la cour fumait sous le soleil levant. Au bord de la mare, à demi couverte d’un drap, une vache beuglait, grelottante des seaux d’eau qu’on lui jetait sur le corps ; — et démesurément gonflée, elle ressemblait à un hippopotame. (Folio 156)

Ces trois exemples consistent en trois micro-tableaux ou le dernier élément, séparé de l’ensemble par le point-virgule tiret, vient ridiculiser le texte en amont.

Le premier exemple tourne en farce les exercices de gymnastique des deux retraités : en attaquant, le chien force Pécuchet à faire des tractions afin de s’enfuir de l’animal. La chute de phrase subvertit la prétention épistémique des personnages qui feront plus d’exercice en se faisant poursuivre par un chien qu’en creusant leurs manuels de gymnastique. D’ailleurs, le « ; — et » ne sert pas uniquement à ridiculiser le texte en amont, il indexe aussi le texte en aval qui après ce gag devient de plus en plus loufoque au point de tourner en une véritable caleçonnade quelques lignes plus loin. On retrouve cette même « modulation » du texte en aval dans le troisième exemple. La chute de phrase, en révélant l’échec des commis dans leurs exercices de magnétisme, met à mal encore une fois leur quête du savoir et pousse quelques lignes plus loin les deux personnages à opérer conjointement un lavement sur la pauvre vache qu’ils ont malencontreusement empoisonnée.

Pour ce qui est du deuxième exemple, la chute de phrase se double du saut à la ligne en fin de paragraphe. Elle clôt un tableau, mais n’aura pas d’incidence sur le récit. Toutefois, il est intéressant de noter que la clausule comique se prête à nouveau à un jeu sur la focalisation. Cette fois-ci, Flaubert nous donne accès à la perspective des notables de Chavignolles sur les deux commis par l’intermédiaire d’un gros plan. Ce changement de perspective donne au lecteur un regard extérieur sur le ridicule des personnages. La ponctuation a dans chacun des exemples une fonction de pause et de relâchement qui rappelle un peu le mécanisme du punchline des humoristes contemporains. Elle révèle donc une diction qui, en se répétant, permet de reconnaître la voix de l’auteur dans son texte en plus d’accentuer l’effet comique.

Ainsi, le « ; — et » nous semble constituer un stylème rythmique dont l’effet varie entre un usage poétique et un usage comique. Si dans cette collocation de signes le tiret n’indexe plus une disgression du narrateur ou l’introduction de discours indirect libre d’un personnage, la collocation de ponctèmes se dote d’une valeur énonciative au sens large, en ce qu’elle agit comme marqueur de « subjectivation auctoriale », pour reprendre l’expression d’Alain Vaillant[39]. Par cet écart répété à outrance – 218 occurrences dans un roman de 350 pages –, Flaubert impose sa voix au-dessus de son texte. Il nous semble que, du fait de son omniprésence, le « ; — et » acquière au fil du récit une valeur ironique en ce que la phrase continuellement tournée vers sa clôture fait écho formellement au désir des personnages de continuellement vouloir conclure.

Pour mieux comprendre cet alliage de ponctèmes, il resterait à voir de manière plus approfondie comment la ponctuation s’établit dans les différents états de texte des romans de Flaubert. Il faudrait en ce sens opérer une étude génétique des brouillons et approfondir nos commentaires sur l’histoire éditoriale en étudiant les rapports que l’auteur entretenait avec ses éditeurs et ses copistes sur les questions de ponctuation. Mais il nous semble que toute étude de la ponctuation, aussi systématique qu’elle puisse être, ne saurait trouver une série de règles légiférant les usages de tous les signes de ponctuation chez Flaubert. Nous nous alignons avec le judicieux avertissement d’Anne Herschberg-Pierrot, précédemment cité : « dans tous les cas, il ne peut s’agir de l’application d’une règle uniforme, mais d’une interprétation contextuelle en discours des signes rythmiques de la prose. » L’analyse du point-virgule suivi d’un tiret, comme celle de tout autre signe de ponctuation, doit donc certainement prendre en compte plusieurs facteurs extérieurs – histoire éditoriale, génétique textuelle, stylistique du moment 1880 –, mais l’outil d’analyse le plus pertinent demeure une lecture attentive du texte, une lecture qui prend en compte le va-et-vient incessant de la forme au fond et qui oppose à l’éternel retour du même de la rhétorique le renouvellement singulier des études du rythme.

 

[1] Voir Anne Herschberg-Pierrot, « Ponctuation et rythme de la phrase », Stylistique de la prose, Paris, Belin, (1993) 2003, p. 265-278. Nina Catach, La Ponctuation : histoire et système, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1994.

[2] Voir particulièrement Jacques Dürenmatt, Bien coupé mal cousu : de la ponctuation et de la division du texte romantique, Paris, Presses universitaires de Vincennes, coll. « Essais et savoirs », 1998. Isabelle Serça, Esthétique de la ponctuation, Paris, Gallimard, coll. « NRF », 2012.

[3] Voir Leo Spitzer, « Le style de Marcel Proust » (Alain Coulon trad.), Paris, Gallimard, coll. « NRF », (1961) 1970, p. 397–473.

[4] André Suarès, « Flaubert-style » [1919], dans Gilles Philippe (dir.), Flaubert savait-il écrire ? Une querelle grammaticale (1919-1921), Grenoble, ELLUG, 2004, p. 136.

[5] Gustave Flaubert, Œuvres, t. II, Albert Thibaudet et René Dumesnil (éd.), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1936, p. 1006.

[6] Voir Nina Catach, La ponctuation, op. cit., p. 42-45.

[7] Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, Claudine Gothot-Mersch (éd.), Paris, Gallimard, coll. « folio classique », (1881) 1979, p. 425.

[8] Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, Stéphanie Dord-Crouslé (éd.), Paris, Flammarion, coll. « GF », (1881) 2008, p. 40.

[9] Anne Hesrchberg-Pierrot, « Ponctuation, édition, interprétation : l’exemple du point-virgule dans Bouvard et Pécuchet », Revue Flaubert [en ligne], no 8, 2012, https://journals.openedition.org/flaubert/1865 [site consulté le 7 janvier 2022].

[10] Ibid.

[11] Nous entendons ici le rythme selon la définition qu’en propose Émile Benveniste, popularisé par Henri Meschonnic, soit le rythme comme l’incarnation du sujet énonciateur dans son discours. Voir Émile Benveniste, « La notion de “rythme” dans son expression linguistique », dans Problèmes de linguistique générale, t. 1, Paris, Gallimard, 1966, p. 327-335.

[12] Martin Riegel, Jean-Christophe Pellat et René Rioul, Grammaire méthodique du français, 8e édition, Paris, PUF, coll. « Quadrige manuels », 2021, p. 148.

[13] À entendre au sens de la phrase syntaxique et non graphique.

[14] « Lorsque les parties semblables d’une proposition, ou les membres d’une période, ont d’autres parties subdivisées par la virgule […] ces parties semblables ou ces membres doivent être séparés les uns des autres par un point-virgule ». Girault-Duvivier, Grammaire des grammaires cité par Herschberg-Pierrot, op. cit.

[15] Herschberg-Pierrot, op. cit.

[16] Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale, Paris, Gallimard, coll. « folio classique », (1869) 2015, p. 61.

[17] Ibid.

[18] Riegel et al., op. cit., p. 161.

[19] Ibid., p. 234.

[20] Riegel et al., op. cit., p. 161.

[21] Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du xixe siècle, t. XV, Paris, Administration du Grand dictionnaire universel, 1876, p. 228. Je remercie Arnaud Bernadet de m’avoir renvoyé à cet article du Larousse à la suite de ma communication en avril. En plus de remettre la ponctuation de Flaubert dans le contexte littéraire de son temps, cet article permet en outre de relativiser les commentaires de Claudine Gothot-Mersch sur la prolifération des tirets dans l’œuvre de Flaubert.

[22] Cité par Anne Herschberg-Pierrot, op. cit.

[23] « La causerie va sur Flaubert, ses étranges procédés de conscience, de patience, de sept ans de travail : Figurez-vous que l’autre jour, il m’a dit : “C’est fini, je n’ai plus qu’une dizaine de phrases à écrire, mais j’ai toutes mes chutes de phrases !” Ainsi, il a déjà la musique des fins de phrases, qu’il n’a pas encore faites, il a ses chutes… Que c’est drôle, hein ?… » Edmond et Jules de Goncourt, « 3 mars 1862 », dans Journal, t. III, Paris, Honoré Champion, 2013, p. 781.

[24] Gustave Flaubert, « Un cœur simple », dans Trois contes, Paris, Gallimard, coll. « folio classique », (1877) 2018, p. 37.

[25] Sabine Pétillon et André Petitjean, « Le tiret de fin de phrase dans Un cœur simple — un stylème flaubertien ? », dans Revue Flaubert [en ligne], no 8, 2012, https://journals.openedition.org/flaubert/1867 [site consulté le 7 janvier 2022].

[26] Ibid.

[27] « On a séparé, dans la même phrase, par le tiret, ce qui faisait opposition, sans toutefois supprimer le point-virgule qui était déjà un signe suffisant de séparation. » Larousse, op. cit.

[28] Marcel Proust, « À propos du style de Flaubert », dans Gilles Philippe, op. cit., p. 75.

[29] Gilles Philippe, Le rêve du style parfait, Paris, PUF, 2013, p. 190.

[30] Charles Bruneau, « L’époque réaliste : la prose littéraire », dans Histoire de la langue française, t. XIII, Paris, Armand Colin, 1972, p. 160. Cité par Julien Piat, « La langue littéraire et la phrase », dans Gilles Philippe et Julien Piat (dir.), La langue littéraire : une histoire de la prose en France de Gustave Flaubert à Claude Simon, Paris, Fayard, 2009, p. 214.

[31] Dorénavant toute référence à Bouvard et Pécuchet se fera à partir des dossiers manuscrits du roman accessible en ligne sur le Centre Flaubert. Plutôt qu’un appel à la note, nous renverrons textuellement au folio en fin de citation. Gustave Flaubert, « folio 29 », dans Yvan Leclerc (dir.), Édition électronique du manuscrit intégral de Bouvard et Pécuchet [en ligne], https://flaubert-v1.univ-rouen.fr/jet/public/trans.php?corpus=pecuchet&id=5903 [site consulté le 7 janvier 2022].

[32] Philippe Dufour, La pensée romanesque du langage, Paris, Seuil, 2004, p. 24.

[33] Julien Gracq, « En lisant en écrivant », dans Œuvres complètes, t. II, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1995, p. 608.

[34] Ibid., p. 611.

[35] Flaubert, L’Éducation sentimentale, op. cit., p. 48.

[36] Philippe Dufour, « Le paysage parenthèse », Poétique, no 150, 2007, p. 140.

[37] Ibid.

[38] Gisèle Séginger, « L’empire du sensible », dans Gustave Flaubert fiction et philosophie, vol. 6, Caen, Lettres modernes Minard, 2008, p. 54.

[39] Du fait du passage d’une littérature-discours à une littérature-texte, Alain Vaillant propose, afin d’échapper aux mécanismes de standardisation qui hantent la littérature au temps de la reproduction technique, que l’écrivain doit trouver une manière d’inscrire sa voix dans son texte, ce qui suppose l’invention d’un style d’auteur. Alain Vaillant définit donc la « subjectivation auctoriale » comme « tout mécanisme qui permet au lecteur de deviner, derrière le texte qu’il lit, une instance énonciative latente, puis d’identifier cette instance textuelle à la figure de l’auteur. » Voir Alain Vaillant, « Modernité, subjectivation littéraire et figure auctoriale », Romantisme, no 148, 2010, p. 12.